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16 décembre 2011 5 16 /12 /décembre /2011 20:20
LIBYE : Le marché du siècle

200 milliards de dollars de chantiers ? L’estimation fait saliver les États de la coalition et… les autres.

 

« LE PRÉSIDENT de la République a pris des risques politiques et militaires, tout ça crée un climat où les responsables libyens, le peuple libyen, savent ce qu’ils doivent à la France. On ne va pas rougir de faire bénéficier nos entreprises de cet avantage. » Ainsi s’exprimait le 6 septembre le secrétaire d’État français chargé du Commerce extérieur, Pierre Lellouche, devant près de 400 patrons réunis au siège parisien du Mouvement des entreprises de France (Medef) International. Parmi eux, des représentants de sociétés du CAC40, Alcatel, Alstom, Bouygues, Peugeot, Total, Vinci, et des dizaines de chefs de PME tout aussi intéressés par les perspectives d’investissement dans l’ancien pays de Kaddafi. Pendant cette journée, une estimation circulait, qui aurait été calculée BUSINESS par le Conseil national de transition (CNT) : le marché de la reconstruction serait de 200 milliards de dollars sur dix ans. Au mois d’août, l’ancien gouverneur de la Banque centrale libyenne, Farhat Bengdara, qui s’était éloigné du régime dès le mois de février, avait estimé le montant des dégâts matériels après six mois de conflit aux alentours de 15 milliards de dollars. Lors de la Conférence de soutien à la Libye nouvelle, organisée le 1er septembre à Paris par la France, en accord avec le Royaume-Uni, c’est précisément cette enveloppe qui a été débloquée des avoirs libyens gelés. Soit moins de 10 % des quelque 168 milliards de dollars placés à l’étranger par la Banque centrale ou le Fonds souverain libyen, en cash (50 milliards dans les banques européennes, 40 milliards en bons du Trésor américain) ou en prise de participations. Avec une telle cagnotte, le pays « n’a pas besoin d’emprunter de l’argent », avait aussi souligné, à juste titre, Farhat Bengdara. D’autant que le pays n’est pas endetté. La totalité des avoirs sera sans doute « dégelée » lorsque de nouveaux responsables auront été désignés à la tête des institutions financières du pays, que le système bancaire aura été remis sur pied et que le chantier de la reconstruction aura été à peu près négocié, entendre partagé, entre les nouveaux alliés de la Libye. La banque JP Morgan, qui estimait, quant à elle, la totalité du chantier aux alentours des 80 milliards de dollars, 37 milliards pour les seules infrastructures énergétiques, a déjà dépêché ses golden boys sur place. Tout comme les autres grandes banques internationales ou arabes, HSBC, Standard Chartered, UniCredit et Mashreq, venues repérer les meilleures opportunités d’investissement pour leurs clients. Leur rêve : voir le PIB libyen doubler avant dix ans, un objectif à 150 milliards de dollars annuels. À condition de faire repartir la production de brut, véritable machine à cash du pays. En 2010, les exportations de pétrole ont représenté 95 % des revenus à l’étranger, 80 % des revenus du gouvernement, un quart du PIB, soit près de 20 milliards de dollars. Et les réserves sont estimées à 46,4 milliards de barils, les plus importantes du continent juste devant celles du Nigeria. Avant le début de l’insurrection, mi-février, la production était de 1,6 million de barils par jour. Sept mois plus tard, elle est tombée à 60 000 à 100 000 barils par jour, selon les estimations. Pour la banque Citigroup, le pays aura retrouvé sa pleine capacité d’ici à la fin de 2012. Ce qui signifie que les infrastructures du secteur auront toutes été réparées et remises en service. Début septembre, si toutes les grandes compagnies étrangères présentes dans le pays – ENI, OMV, Wintershall, BP, Royal Dutch Shell, Total, Repsol, Occidental Petroleum, ConocoPhillips, Waha Oil, Marathon Oil, Hess… – se disaient prêtes à revenir, elles attendaient de voir dans quelles conditions. D’abord, parce que le pays est loin d’être sécurisé pour leur personnel. Ensuite, parce que certains opérateurs redoutaient une redistribution des contrats signés sous le régime de Kaddafi. Le premier d’entre eux, l’italien ENI, présent dans le pays depuis 1959, a préféré prendre les devants en s’empressant d’aller signer à Benghazi, le 28 août, un protocole d’accord avec le CNT enjoignant les deux parties à « créer les conditions pour une rapide et complète reprise des opérations ». Le gouvernement de Silvio Berlusconi avait aussi fait ce qu’il fallait pour mettre de l’huile dans les négociations en débloquant une avance de 500 millions d’euros. Rome a donc su faire oublier ses atermoiements pendant toute la crise, notamment ses hésitations à rejoindre l’Otan. « Il n’y a pas une course à qui arrivera le premier en Libye », avait déclaré le ministre italien des Affaires étrangères, Franco Frattini. Il y avait en tout cas urgence à défendre les intérêts de son pays, premier partenaire commercial de Tripoli et premier importateur de brut libyen. Preuve que l ’Élysée espérait bien tirer un profit industriel et commercial de l’engagement personnel du président Sarkozy, soutien de la première heure de la rébellion, la révélation par le journal Libération d’un accord secret passé avec le CNT garantissant 35 % des nouveaux contrats pétroliers à la France. L’information a peut-être été démentie, mais nul ne doute que la Grande-Bretagne, les États- Unis, le Qatar, qui ont contribué aux opérations armées, ainsi que la Turquie, qui a financé les rebelles en cash, 200 millions ou 300 millions d’euros, espéraient tous rafler une part du gâteau. D’autres, comme la Chine, qui a tardé à reconnaître le CNT, attendaient de voir jusqu’à quel point le chef du CNT, Moustapha Abdeljalil, tiendrait sa promesse de récompenser « en fonction du soutien » apporté aux insurgés. Enjeu pour Pékin : 18 milliards de contrats signés avec le clan Kaddafi, la plupart dans le secteur des infrastructures, qui avaient mobilisé dans le pays 35 000 de ses ressortissants.


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