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14 décembre 2011 3 14 /12 /décembre /2011 12:15

CAMBRIDGE – A la fin de la Guerre froide, quelques doctes spécialistes ont proclamé que la "géoéconomie" avait remplacé la géopolitique. La puissance économique allait devenir la clé pour accéder au leadership mondial, un changement dont beaucoup pensaient qu’il allait ouvrir une ère dominée par le Japon et l’Allemagne.

 

Aujourd’hui certains observateurs considèrent que la place acquise par la Chine dans l’économie mondiale traduit une nouvelle phase dans l’équilibre des pouvoirs au niveau planétaire, reléguant à l’arrière-plan la puissance militaire. Ils estiment que cette dernière ne peut que s’aligner rapidement sur la puissance économique, oubliant que les USA ont été pendant 70 ans la première économie mondiale avant de devenir une grande puissance militaire.

Les observateurs politiques débattent depuis longtemps pour savoir ce qui est plus important : la puissance économique ou la puissance militaire ? Traditionnellement les marxistes considèrent que le pouvoir se bâtit sur l’économie et que les institutions politiques sont une simple superstructure - une idée partagée par le courant économique libéral du 19° siècle pour lequel l’interdépendance croissante entre commerce et finance rendrait la guerre obsolète. Mais le fait que la Grande-Bretagne et l’Allemagne aient été des partenaires commerciaux majeurs en 1914 n’a pas empêché une conflagration qui retardé d’un demi-siècle l’intégration économique européenne.

La puissance militaire que certains considèrent comme la forme ultime de la puissance politique nécessite une économie florissante. Mais que la puissance économique l’emporte ou pas sur la puissance militaire dépend du contexte. La carotte est plus efficace que le bâton pour faire avancer un âne, mais un fusil est plus efficace pour s’emparer de l’âne de son ennemi. La force militaire est impuissante face à bien des problèmes cruciaux, elle ne peut combattre l’instabilité financière ou arrêter le réchauffement climatique.

La Chine et les USA sont plus que jamais interdépendants sur le plan économique, mais beaucoup d’analystes se trompent quant aux conséquences de cette situation en terme de leadership politique. Il est vrai que la Chine pourrait facilement mettre les USA à genoux en menaçant de vendre ses réserves de dollars. Mais cela réduirait la valeur de ses réserves du fait de la baisse du dollar et porterait un coup à la demande américaine pour les produits chinois. Il en résulterait pertes d’emploi et instabilité sociale dans le pays du Milieu. Autrement dit, mettre les USA à genoux affaiblirait la Chine.

Savoir si l’interdépendance économique renforce le pouvoir politique suppose de considérer les asymétries entre Etats. "L’équilibre de la terreur financière" entre la Chine et les USA ressemble à "l’équilibre de la terreur" entre l’URSS et les USA pendant la Guerre froide, lorsque chacun avait le potentiel nécessaire pour détruire l’autre sous le feu nucléaire. En février 2000, des officiers supérieurs chinois irrités par les ventes d’armes américaines à Taiwan ont demandé à leur gouvernement de se débarrasser ses bons du Trésor américains à titre de représailles, mais ils n’ont pas été suivis.

La puissance économique peut déboucher tout aussi bien sur le "soft power" que sur la puissance militaire. Une économie florissante permet non seulement de financer une armée conséquente mais peut entraîner d’autres pays sur la même voie. Le "soft power" de l’Europe à la fin de la Guerre froide, comme celui de la Chine aujourd’hui, tient en grande partie au succès de leurs modèles économiques respectifs.

La puissance économique joue un rôle de plus en plus important, mais ce serait une erreur que de négliger la puissance militaire. Ainsi que le président Obama l’a déclaré en recevant le prix Nobel de la paix en 2009, "Nous devons commencer par reconnaître cette vérité difficile à admettre que nous ne parviendrons pas à éradiquer les conflits violents durant notre vie. Il y aura des occasions au cours desquelles des nations - agissant isolément ou de concert - estimeront que le recours à la force n’est pas seulement nécessaire, mais moralement justifié".

Même si la probabilité du recours à la force entre Etats, ou la menace d’y recourir, est moindre que par le passé, les terribles conséquences de la guerre conduit les dirigeants des différents pays à se protéger derrière un bouclier militaire à prix d’or. Si la puissance militaire chinoise effraie ses voisins, ils vont probablement chercher un bouclier et ce sont probablement les USA pour l’essentiel qui vont le leur fournir.

Cela conduit à une remarque plus générale sur le rôle de la puissance militaire. Le fait qu’elle ne permette pas de résoudre autant de problèmes que jadis ne signifie pas pour autant qu’elle a perdu toute utilité, elle reste une source primordiale de pouvoir - même si selon certains analystes son rôle est devenu tellement restreint qu’elle n’est plus la mesure ultime de la puissance d’une nation.

Le fonctionnement des marchés et l’économie reposent sur un cadre politique qui ne dépend pas seulement de la réglementation, des institutions et des relations qu’elles entretiennent, mais aussi de la gestion du pouvoir de coercition. Un Etat moderne bien structuré détient le monopole de l’utilisation légitime de la force et permet aux marchés intérieurs de fonctionner. Sur le plan international où l’ordre est plus fragile, la crainte du recours à la force, même si sa probabilité est faible, peut avoir des conséquences importantes - y compris un effet stabilisateur.

La puissance militaire est à la sécurité ce que l’oxygène est à la respiration : on n’y prête guère attention, sauf lorsqu’on vient à en manquer. A ce moment là cela devient la priorité absolue. Au 21° siècle, la puissance militaire n’a plus le même rôle qu’au 19° et au 20° siècle, mais elle restera un élément crucial du leadership politique sur la scène internationale.

Joseph S. Nye est professeur à Harvard et ancien vice-secrétaire américain à la Défense. Il a écrit un livre intitulé The Future of Power.

Copyright : Project Syndicate, 2011.

www.project-syndicate.org

Pour un podcast en anglais de cet article ::

http://media.blubrry.com/ps/media.l...

Traduit de l’anglais par Patrice Horovitz

 

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30 décembre 2010 4 30 /12 /décembre /2010 10:23

Après avoir mis en œuvre au début des années 80 une politique de réforme sous l’égide du Fonds monétaire international (FMI) (dévaluation, privatisations, baisse des dépenses publiques), le Ghana a retrouvé le chemin de la croissance économique, grâce également à une situation politique stable et l’instauration d’un climat favorable à l’investissement.

Considéré aujourd’hui comme un modèle de réussite en Afrique, ce pays d’Afrique de l’Ouest est devenu une place de choix pour les investisseurs qui veulent notamment exploiter ses abondantes ressources naturelles, profiter pleinement des débouchés commerciaux qu’offrent le marché ghanéen et la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Pourtant, après son accession à la souveraineté internationale en 1957, le Ghana s’est distingué durant les deux premières décennies de son indépendance par un taux élevé de corruption, de mauvaise gouvernance et la multiplication des coups d’État. Le panafricaniste Kwame Nkrumah, premier chef d’État du pays, a été victime d’un putsh en 1966. C’est pourtant un putshiste, le général Jerry Rawlings qui, après son deuxième coup d’État en 1981, va ramener le pays sur le chemin de la stabilité politique et économique.

Jerry-John-Rawlings.jpg Pour relever l’économie du Ghana, Jerry Rawlings n’hésite pas à s’attaquer aux corrupteurs et à s’adresser aux institutions de Bretton Woods. Le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale (BM) mettent le pays sous ajustement structurel. Dès 1983, des mesures draconiennes sont adoptées : désengagement de l’État des circuits de production, réduction du train de vie de l’État, privatisation des entreprises, dévaluation de la monnaie locale, réhabilitation du tissu industriel.

 

Bon élève du FMI

Les relations entre le Ghana et les institutions de Bretton Woods que sont le FMI et la BM étaient mauvaises durant les deux premières décennies de l’indépendance du pays. En raison notamment du fait que les régimes qui se sont succédé n’accordaient pas une attention particulière à la gestion. Ces relations se normalisent au début des années 80, plus précisément en 1983, quand le Ghana accepte de mettre en œuvre les prescriptions du FMI, à travers une série de programmes d’ajustement structurel. En 1994, le gouvernement d’Accra lance «La Vision 2020», guide de sa politique économique. Le programme 1998-2000 du Ghana avec le FMI portera les plus gros fruits. Il est appuyé par la Facilité pour la réduction de la pauvreté et la croissance (FRPC). Ce qui permet de combattre l’inflation, d’accélérer le programme de privatisation, de mettre en œuvre les réformes structurelles, de diversifier l’économie, d’attirer des investisseurs et de créer de nombreux emplois.

Conscient du fait que la bonne santé économique d’un pays ne saurait suffire pour assurer le bien-être des populations, Jerry Rawlings a décidé de faire du Ghana un État démocratique. En avril 1992, il fait approuver par voie de référendum l’instauration du multipartisme, ouvrant de ce fait la voie à la démocratie. Aujourd’hui, les experts de tous bords s’accordent à reconnaître que le Ghana est non seulement un pays stable, mais aussi un modèle de démocratie et de gestion économique en Afrique. Au plan démocratique, le Ghana est considéré comme un exemple d’alternance politique.

Jerry Rawlings, John Kufuor et John Atta Mills se sont succédé au pouvoir sans problème depuis 1981. La bonne gouvernance s’est enracinée. Au plan économique, les réformes mises en œuvre avec les concours du FMI et de la Banque mondiale ont porté des fruits. Le taux de croissance du produit intérieur brut est de l’ordre de 5 % depuis plus de cinq ans. Le Ghana est le deuxième producteur mondial de cacao, son sous-sol regorge de diamants et de puits de pétrole non encore exploités; les investisseurs étrangers se bousculent aux portes de ce pays de l’Afrique de l’Ouest, le premier de la partie subsaharienne du continent qui a accueilli le 10 juillet dernier le président Barack Obama. Le fait que Barack Obama ait choisi le Ghana pour son premier retour dans le continent de son père, depuis qu’il est chef de l’exécutif américain, constitue de l’avis de nombreux observateurs un plébiscite pour ce petit pays de l’Afrique de l’Ouest. Un pays qui constitue une exception sur le continent, en ce sens qu’il se situe aux antipodes de l’afropessimisme.

L’agriculture en bonne place

L’économie ghanéenne dont on salue aujourd’hui les performances est, il convient de le relever, essentiellement basée sur l’agriculture, avec une prédominance des plantations paysannes. L’agriculture représente 40 % du PIB et occupe 60 % de la main d’œuvre. Viennent ensuite les services et l’industrie avec respectivement 32 % et 25 % du PIB. Le cacao est la principale culture d’exportation du Ghana. Il représente 35 à 45 % des recettes d’exportation du pays. Le secteur du cacao a été reformé à plusieurs reprises pour accroître les rendements, et les résultats ont suivi. C’est ainsi que la production ghanéenne de cacao est passée de 450 000 t dans les années 60 à 700 000 t en 2009. Les autres produits agricoles du pays sont le café, l’huile de palme et le sucre. Le secteur minier occupe également une place de choix dans l’économie du Ghana (6 % du PIB) avec d’importantes mines de diamant, d’or et de manganèse.

 

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